Dans un précédent article j’évoquais l’expérience de Milgram sur la soumission à l’autorité et les résultats inquiétants auxquels elle aboutissait sur l’influence du contexte sur les comportements. Dans le même genre, l’expérience de Stanford du professeur Zimbardo est effroyablement illustrante, sauf que là il n’est plus question de comédiens qui simulent la douleur, mais de deux groupes d’individus auxquels on a attribué des rôles. Le contexte spécifique de l’expérience est celui de la situation carcérale : des étudiants, soigneusement sélectionnés pour leur stabilité et leur maturité, sont mis en situation de détention pendant plusieurs jours, avec un rôle attribué aléatoirement de gardien ou de prisonnier. Au bout de très peu de temps la frontière entre expérience et réalité est devenue floue pour chacun et les rôles attribués ont dépassé les volontés propres des individus, les conduisant à des situations humiliantes et violentes (pour en savoir plus sur l’expérience : voir le livre The Lucifer effect : understanding how good people turn Evil, de Philip Zimbardo).

    Cette expérience a inspiré plusieurs films, dont celui de Oliver Hirschbiegel : L’expérience (Das Experiment). 20 volontaires participent à une expérience de mise en situation carcérale. La règle : pas de violence. Des caméras de surveillance et des scientifiques pour encadrer le projet. Une « simple » expérimentation qui tourne pourtant à une catastrophe inattendue, dont le contrôle échappe totalement aux initiateurs. Ce film choque, scotche, glace. Même en sachant que les faits de base y ont été retravaillés et exagérés, on est frappé par l’escalade de violences et la perte des repères des volontaires, et on ne peut que finir en se posant la terrifiante question : Et moi, là, qu’est-ce que j’aurais fait ? Et la réponse ne semble plus si sûre qu’avant. Cela dit, tout ne semble pas être perdu car pour le professeur Zimbardo, ce sont les mêmes forces qui peuvent, selon les circonstances, faire de chacun soit un tortionnaire, soit un héros...