• Le jeu de la mort

        Sachant que le temps quotidien passé devant le (grand) petit écran en fait notre deuxième activité après le sommeil (ce qui représente environ 15 années entières sur une vie de 80 ans !), il serait plus que temps de réfléchir aux comportements qu’on adopte vis-à-vis de notre amie Télévision, et à ce qu’on lui permet d’ancrer dans nos esprits (voir également à ce sujet le documentaire de Christophe Nick « Le temps de cerveau disponible » (une formulation qui serait due à un ex-PDG du groupe TF1 ( !) qui semble avoir regretté ses paroles depuis, pourtant bien évocatrices…)). Certes un peu de divertissement fait du bien, mais au train où ça va, vu la quantité invasive et la qualité des divertissements « proposés », c’est prochainement l’asphyxie cérébrale assurée. Petit exemple de dérive potentielle.

        "Le jeu de la mort" de Christophe Nick est un documentaire qui met en scène un faux jeu télévisé au cours duquel un candidat doit mémoriser des mots et répondre à des questions. En cas de mauvaises réponses, le candidat qui le questionne doit lui envoyer des décharges électriques, de plus en plus fortes, jusqu'à des tensions pouvant entraîner la mort. Résultat : la majorité des candidats va jusqu’au bout du jeu et se retrouve à infliger des chocs mortels. Effrayant et plutôt inquiétant, n’est-ce pas ? En réalité, les décharges sont fictives, et c’est un acteur qui fait semblant de les subir. Mais les candidats qui administrent les décharges ne sont pas au courant de cet aspect du « jeu »… Cette mise en scène est une variante d’une expérience de psychologie sociale des années 1960 : celle de Stanley Milgram sur la soumission à l’autorité. Le but de Milgram était alors de comprendre les mécanismes de l’obéissance d’un individu face à une autorité, et donc  ici la capacité à désobéir des candidats qui infligent les chocs électriques. La différence notable avec l'expérience originelle est que l'autorité scientifique est remplacée ici par une présentatrice de télévision, transposant ainsi le contexte de l’époque à celui très actuel de la télé-réalité.

        L’expérience originelle tout comme sa version reality-show ont suscité de vives controverses sur les résultats, leurs interprétations, la méthodologie et l’éthique de tels travaux. Toutefois, au-delà des débats, elles ont quand même le mérite de poser certaines questions dérangeantes, et dont les réponses ne sont pas si aisées qu’il n’y parait : les limites du principe d’obéissance (au départ principe social, qui devient dangereux lorsqu’il est suivi aveuglément), la puissante influence du contexte (plutôt que l’influence des prédispositions individuelles), la capacité insoupçonnée de chacun à obéir à des injonctions qui vont contre ses valeurs et sa volonté profonde, mais aussi le rôle de la télévision, son pouvoir sur les participants (les candidats mais aussi le public, et bien sûr les téléspectateurs, sans qui aucune émission quelle qu’elle soit n’existerait…), jusqu’où on peut être prêt à accepter de se laisser manipuler (il n’est ici jamais question de forcer qui que ce soit à faire, à regarder, …), …

     

    Plus d’informations :

    L’expérience extrême, de Christophe Nick et Michel Eltchaninoff

    Soumission à l’autorité, de Stanley Milgram

     

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